Ce vendredi, j’étais au niveau d’Aubervilliers, une fois de plus en train d’attendre qu’un énième feu passe au vert. C’était 7h du matin et il pleuvait des hallebardes. Pas la petite pluie qui réveille, non, la rincée, la vraie, qui t’oblige à rouler visière ouverte pour voir quelque chose. Bien sur, j’étais sorti de chez moi la tête tu sais dans quoi et surtout sans combi de pluie. Après 10 min de trajet, j’en étais au stade où l’eau dégoulinant sur les manches de la veste commence à entrer dans les gants. Mon jean était une éponge, d’autant plus que la forme du réservoir du V-strom fait une excellente gouttière jusqu’aux roubignoles, un délice. Voilà qu’à ce foutu feu qui n’en finissait pas, je me rends compte qu’un type fumant sa clope peinard dans l’embrasure du bistrot d’à côté me regarde d’un air « il est pas con lui ! ». Je me suis pris un fou rire qui m’a donné la pêche pour le reste de la journée. Ce qui au passage n’a pas dû améliorer l’avis de mon observateur.

Même réaction de mes élèves (je suis professeur d’histoire pour ceux qui ne lisent pas les profils) lorsque je suis entré dans la salle de classe en faisant « floc floc » à chaque pas : »M’sieur Suzuki – c’est le surnom qu’ils m’ont donné, c’est toujours mieux que d’être Monsieur Kangoo comme le prof de math – vous êtes fou d’être venu à moto aujourd’hui, faut pas que vous veniez quand il pleut« . Les braves petits qui s’inquiètent pour ma santé. Mais attends, j’y pense, c’est peut être juste qu’ils auraient préféré que je sois absent. Ah les ****, ils vont me le payer lundi !

Cela dit, c’est vrai quoi, quand on y réfléchit, quel intérêt ? Je me tape tous les jours 20 bornes de rues de banlieue sales et grisâtres, limitées à 50km/h et entrecoupées de feux tricolores. Mes collègues, qui font le même trajet en bouquinant dans le RER, ne comprennent pas pourquoi je m’inflige cela. Où est le plaisir ? Euh, laisse moi réfléchir : d’être au guidon tout simplement.

Pouvoir sentir les odeurs de croissant chaud des boulangeries que l’on croise. Pouvoir imaginer la vie de tel ou tel piéton qu’on laisse traverser. Pouvoir, parce que ça me pète, faire un détour, rouler vite ou me traînasser. Avoir les pommettes glacées par l’air vif d’un matin d’hiver ou se laisser envahir par la chaude douceur d’un soir de printemps. A moto, chaque trajet est différent, chaque trajet est une aventure.

C’est ce que ne pourront jamais comprendre les arpenteurs de métro, soucieux de l’efficacité et du confort d’une ligne automatique. Ils ne peuvent pas comprendre qu’avoir chaud, avoir froid, se mouiller, risquer de tomber, c’est être libre. Ou plutôt, c’est tout simplement être vivant.

2 Commentaires

  1. Quand mon Père, angoissé de nature, m’a demandé pourquoi prendre le risque d’avoir un accident « juste » pour aller se promener en moto? Je lui ai demandé si c’était moins con de mourir dans un accident de voiture (si, ça arrive aussi!) en allant au boulot??? Je valide: faire de la moto c’est être vivant!… Pourvu que ça dure!

  2. Ah, oui c’est un prolongement du « cogito ergo sum » ? Je souffre donc je suis ! ( ou je fuis suivant les circonstanes !)
    Nan, je déconne: Je valide. Je fais partie des cons qui préfèrent se prendre une grosse drache et rouler le nez au vent alors que je n’ai même pas l’excuse de n’avoir pas d’autre moyen de locomotion!

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