Quand la mauvaise foi est élevée au rang d’art, il serait dommage de ne pas en faire profiter tout le monde. Rares sont ceux qui peuvent se targuer sans rougir d’être un exemple de bonne foi en toute circonstance. Nous sommes une immense majorité, sur la route, que ce soit derrière un volant ou un guidon (même si, admettons-le sans fausse modestie, ces foutus caisseux remportent le plus souvent la palme haut la main en la matière) à nous rendre coupables de mauvaise foi caractérisée, consciente ou inconsciente, que ce soit par orgueil ou complexe de supériorité. Vie de motard a lu pour vous ce recueil d’une effrayante authenticité.
Brèves de volant est un ouvrage de cinquante pages paru aux éditions M6 se présentant sous forme de bande dessinée. Les auteurs, témoins privilégiés de nos travers comportementaux, sont pour la plupart motards de la police et de la gendarmerie nationale.
Le lecteur distrait faisant l’impasse sur la petite annotation d’introduction certifiant que toutes les situations présentées, y compris les plus incroyables, sont cent pour cent authentiques terminera sa lecture en pensant que nos forces de l’ordre ont décidément beaucoup d’imagination.
En effet, force est de reconnaître qu’en matière d’imagination et d’inventivité, nos concitoyens n’ont rien à envie à un Georges Lucas ou à un Stephen King. En ce qui concerne l’aplomb, l’audace et la mauvaise foi, ils peuvent tenir sans se fatiguer la dragée haute à un DSK ou à un Hermann Goering.
Naturellement, loin de nous l’idée de juger ces gens pris sur le fait et tentant de sauver quelques points sur le permis ou quelques euros dans leur portefeuille. C’est le jeu. Se faire choper et voir si y aurait pas moyen de passer à côté de la sanction, c’est un mécanisme quasiment naturel. On fait ça depuis l’école maternelle, ce n’est pas propre aux usagers de la route. Prendre les bleus pour des cons en revanche, si.
Parce que c’est le cas. Toutes les anecdotes ici réunies sont en fait un florilège de prise des bleus pour des cons. Des excuses comme on n’oserait même pas en sortir à nos gosses tellement elles sont énormes. Des histoires sans queue ni tête, des comportements à la limite de la débilité profonde, tout y est. De quoi avoir peur de reprendre le volant en refermant le livre, l’oeil humide et le ventre noué. Avec les séries de tout petits pets, vous voyez ? La crainte grandissante de voir surgir l’un d’entre eux au premier carrefour, prêt à dégainer son chapelet d’alibis absurdes et d’excuses qui feraient pleurer Ionesco de désespoir. Du gonze qui roule bourré sans permis à la cagole qui a eu le sien on ne sait comment et on ne veut pas le savoir, sachez qu’ils sont partout, qu’ils ont les mêmes voitures, parlent la même langue. Sachez qu’ils nous ressemblent, à vous et moi.
Normal, puisque c’est nous.