Mon pote Bobo, c’est un parigot. Un vrai de vrai, le genre qui y est né. Et faut croire que le gaz carbonique lui a plutôt bien réussi vu ses athlétiques 1m85. Il en impose tellement qu’en dessous de lui, on ne voit pas sa petite friteuse deux-temps.

Un jour que j’étais encore en train de pester contre sa ville toute polluée, il se mit au défi de me faire changer d’avis. Le fada. Rendez-vous est pris et nous voilà partis un dimanche matin hivernal sur les routes de son enfance, sous prétexte que la banlieue ce n’est pas que le béton de mon 93 quotidien. 

Au départ, autant te dire que j’étais à peu près aussi convaincu qu’un biker à qui on voudrait vendre une japonaise. Mais lorsqu’à une poignée de kilomètres à peine du périph’ nous sommes arrivés au fin fond de la pampa, ce fut le choc. Impossible : on a franchi une porte spatio-machin ou son Aprilia c’est la DeLorean version deux roues ? Ces minuscules routes virevoltantes ça ne peut pas être la forêt de Montmorency, c’est chez moi. , j’en étais sûr, on arrive aux Baux, regarde les vieux mas en pierres blanches. Comment ça de la « pierre de Paris » ?

A Chauvry, Bobo nous arrête chez un chevrier local dont la production est un vrai hommage au pélardon cévenol. Pauvres amortisseurs. Pendant cette pause, on entend le klaxon de la camionnette du livreur dominical de baguettes. Mais a t-on roulé jusqu’au fin fond de l’Auvergne ?

Une paire de bornes plus loin, accoudés au zinc du bistrot de l’Isle-Adam, on se laisse aller à refaire le monde autour d’un café. Un local, ancien mécano sur sidecar, nous plonge dans ses souvenirs d’hivernales aux Millevaches : « Vous savez, c’était la grande époque les gamins… ». Peuchère, des gens qui te disent bonjour et qui prennent le temps de discuter, ça existe aussi en région parisienne ? Dans le Sud ils ne me croiront jamais !

En plus Bobo, il avait fait les choses en grand pour me convaincre : entre deux futaies, j’ai une drôle de vibration dans le guidon. Ce n’est pas possible : de la terre ! Un authentique chemin avec des cailloux et de la boue partout. Ça, c’est un pote, parce que je peux vous dire qu’il a payé de sa personne dans les ornières avec sa sportive ultra-rabaissée. Comme Médor que vous lâchez dans le parc après qu’il vous ait attendu toute la journée dans l’appart, je me suis mis à gambader de partout avec mon trail. D’ailleurs, je bondissais tellement que j’ai failli me vautrer dans une flaque sans pneus à tétines. Je m’urbanise…

Cerise sur le gâteau, après avoir bien labouré, on est allé se cultiver dans l’improbable « Caverne du livre » d’Auvers-sur-Oise, petit paradis pour les amoureux de vieilles reliures poussiéreuses. Il avait pensé à tout j’te dis, même au côté « prof » du Cigalou (t’as vu, j’suis comme César, je parle de moi à la troisième personne).

Par contre, il y a eu comme qui dirait un cheveu dans le réservoir. The Fog  – comme disent les gars qui roulent en Bonneville – s’était aussi réveillé de bon matin et il s’était mis en option givrante histoire que ce soit rigolo. Bref, la bonne purée de pois qui te colle au casque et te savonne les pneus. Ahhh maintenant tu comprends mieux tous ces arrêts de petits joueurs ? Il fallait bien se réchauffer un peu les mimines et le reste…

Du coup, avec une visibilité à 10 mètres, malgré nos 50km/h de moyenne, apprécier les paysages demandait une bonne dose d’imagination. J’ai ainsi pu deviner le château de Chauvry, supposer les méandres de l’Oise, imaginer les vallons et les forêts du Vexin. Une magnifique visite au conditionnel. Heureusement qu’à chaque carrefour, nettoyant ses carreaux de lunettes couverts de buée, Bobo me décrivait avec passion chaque bout de champs, chaque ruine. Il m’a même semblé parfois le voir, enfant, en train de se construire une cabane. T’as raison, le froid a certainement traversé le casque, il est temps de rentrer.

Allez Bobo le parigot, je vais te l’avouer : ton Paris, je l’ai bien aimé. Et vu que je ne suis pas un ingrat voilà ce que je te propose. Cet été, je t’invite dans ma Provence. Je t’amènerai voir les hêtres centenaires des Cévennes, sentir la lavande du plateau de Sault, toucher les galets ronds de la Durance et rouler sur le sable des plages camarguaises. Tout ça dans un pays où le brouillard n’existe pas.

Et quand bien même tu apporterais ta fichue météo dans les valoches, je ne t’en voudrai pas. Je me dis que peu importe la température, peu importe le paysage, du moment qu’il y a des potes et des motos, on sait que la balade sera belle. Et c’est ça aussi l’esprit motard.

7 Commentaires

  1. Harvey Danielson :
    Tu viens simplement de découvrir ce qu’est une vrai ballade à deux roues et pas un simple rendez-vous sur un parking pour brûler de la gomme ou sur un circuit pour se mettre par terre, mais avec élégance » j’étais à fond de 6 ! ». Le deux roues te permet , comme tu l’as très justement souligné, de changer de dimension, d’atteindre les chemins de traverses qui t’emmènent dans des endroits où tu n’aurais jamais pensé poser un jour le pied. De plus, quand le temps est au froid et à la flotte, le capital sympathie augmente exponentiellement en fonction du taux d’humidité. En fait, tu te mets un instant dans la peau de ses coureurs de chemins qui le faisait sur un canasson. Sauf que le tien, ce n’est pas de l’avoine qu’il avale, même si parfois toi c’est du houblon …

  2. Travelstrom :
    rhoooo mais nan ! y fait pas toujours aussi purée de pois dans le ch’nord de la RP
    et la grande région autour de Paris est très souvent composé de petits villages ou quartiers méconnus !
    Mais je suis OK pour que nous fasse le guide autour des lavendes un prochain été.
    une vraie balade le nez au vent

    excellent j’ai adoré la rédaction.
    merci pour le partage

      • Présent !
        Moi je suis toujours partant pour organiser une bonne balade. La j’ai un projet de fou en tête avec comme thématique « la gestion des ronds points en moto »…
        Affaire a suivre !

      • J’ai pas mal de weekend de libre à partir de la rentrée moi 😛
        Pour l’option brouillard dans le pire des cas je devrais pouvoir réussir à m’en passer, je me rattraperai en hiver !

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.