Retour dans la Sarthe, 6 ans après mon tout premier rallye, et tout premier article pour Vie de Motard ! A l’époque, je découvrais absolument tout de la discipline sur mon vaillant petit monocylindre. Pour ma cinquième participation à une épreuve du Championnat de France, je suis inscrit avec mon Honda VFR 800. Pour l’occasion, le club propose de parrainer un débutant, mon filleul s’appelle Alex, mais ne me verra pas beaucoup…

Connaissez-vous le Angry Fourme Racing Team ?

Car oui, depuis 2022, nous avons un team fondé avec mon collègue de travail et ami Pieter. Vous l’avez aperçu dans la vidéo de l’Aigoual sur sa superbe Africa Twin 1000. C’est le genre de pote qui a toujours 10 idées à l’heure, mais l’heure, c’est un concept qu’il a du mal à assimiler ! En tout cas, il aligne une autre Honda, un CB500 de 1994 au kilométrage inconnu, à la préparation se limitant à une paire de pneus, une tablette chinoise pour le road-book et l’éclairage. Un budget limité qui n’entache pas le plaisir, certainement la moto la moins chère du paddock.

Rallye de l’Ain 2022 (photo Laurent BERTHE – G2STP)

Nous avons participé en 2022 au rallye de l’Ain qui s’est presque bien déroulé pour sa moto. Elle a juste failli partir en fumée à cause d’une erreur de ma part sur le faisceau de feux additionnels… Mais pour cette année, je lui ai refait le faisceau au petits oignons !

Les copains de mes copains…

C’est par l’intermédiaire de Valentin – grâce à qui vous avez droit aux photos de cet article – qui est un ami de longue date, que tout s’est mis en place. Lui, il roule plutôt sur piste et d’ailleurs cette semaine il passait 2 jours sur le circuit du Mans. Les cadors du championnat ont bien poncé la piste aussi ! Valentin va faire quelques courses cette année avec Alex qui lui veux s’essayer au rallye. Il a motivé son pote Gwen, et ce dernier a embrigadé son pote Renald. Comptez donc 5 motos sous les tonnelles ! Pour nos trois débutants, ils ont fait le choix de ne rouler que de jour.

Une belle brochette !

Finir la moto la veille, une tradition

Où en est-on la veille du contrôle technique ? Sur ma VFR, ça se limite à monter ma roue arrière avec son pneu neuf. J’ai roulé ma semaine avant le rallye pour m’assurer que l’éclairage, mon road-book et le reste fonctionnent. Histoire d’éviter les déboires de 2021… Pour le CB500 de Pieter, on savait qu’il nous fallait un nouveau levier de frein avant, je le récupère auprès de Yann (VFR 750 en catégorie classique) mais le maître-cylindre a décidé de devenir incontinent. Il nous faut trouver un système complet.

Pensant avoir pris un maître-cylindre de frein avant de mon VFR, je m’aperçois que dans mon stock de pièces, j’ai pris celui d’embrayage ! Quelques coups de fils et messages sur les sites d’annonce plus tard, on trouve un pro qui possède un système de Honda… 125 Varadero ! De son côté Pieter s’occupe de transformer le fichier envoyé par l’organisation au bon format pour sa tablette chinoise.

Découpage selon les règles de sécurité évidemment.

Pour nos nouveaux venus, la Ducati 1100 Hypermotard de Gwen est déjà prête avec son dérouleur fait maison et ses supports de numéro. Juste une cosse de batterie à resserrer pour régler un souci de coupures en roulant. C’est que ça vibre ces bêtes là.

Pour Renald, on a juste à fixer les plaques latérales sur les supports de valises de sa BMW R1200RS. ET dans le cas d’Alex, il a pour l’occasion remis son GSXR 1000 en configuration route avec un guidon droit. « Par contre j’ai laissé les réglages piste pour mes suspensions… » Oula ! « Pour avoir reconnu les spéciales, tu risques de te faire salement secouer ! » On passe voir Sonia et Martial pour des conseils de réglage (merci !). La pauvre Gex n’a quasiment aucune course morte, Alex tente d’assouplir un peu tout ça.

Installation du road-book samedi avant le départ. A ce moment là je suis à fond dans mon rôle de parrain !

Joie sur piste, déboires sur route

Le passage des vérifications techniques se fait sans encombres. Et vient la journée du rallye ! Liaison vers le circuit de notre groupe de quatre. Pieter lui part plus loin dans les numéros.

N’oubliez pas de mettre le trip à zéro !

Nous sommes dans la même session sur le circuit. Quatre tours chrono, sur le sec, en paquet. Les émotions sont folles ! On sort de ce moment avec de grands sourires sous le casque. On assiste à l’affrontement de Pieter dans son groupe où les petites cylindrées se battent comme des chiffonniers !

Bagarre en 500cc !
Alex prend le large sur le Bugatti, je ne le reverrai qu’après l’arrivée. Il me met plus de 20 secondes sur 4 tours !
Photo souvenir après notre passage sur la piste !

La suite, un passage de reconnaissance sans chrono dans les deux spéciales où nous rouleront pour le reste de l’épreuve. Mais d’abord, regagner le village du Grand Lucé au road book. Je pars 30 secondes devant Alex sachant que je vais être vite rattrapé. Sauf que, je me perds. Je ne sais pas comment, manque de concentration certainement. Je fais demi-tour, ne croise personne. Pourtant je sais que la solution n’est pas loin ! Je prend la direction du paddock un peu au pif et tombe sur la Ducati de Gwen et la BMW de Renald. La boîte de l’italienne est bloquée en 3. Elle ne veut rien savoir. J’oublie de me recaler au road-book, à ce moment là je suis déjà hors temps. Je rejoint la fin du parcours avec environ 15 minutes de retard : 6 minutes 30 de pénalités !

Pointage de la Ducati qui n’ira malheureusement pas beaucoup plus loin…

Notre petit groupe se retrouve éparpillé. Gwen abandonne. Renald prend lui aussi son lot de pénalités, j’ai oublié de lui dire de prévenir l’organisation qui s’arrêtait aider un concurrent. Faut dire qu’à ce moment là, sous mon casque, l’énervement l’emportait… Mais le pire reste à venir.

Tu avais une mission. Tu as échoué.

Je pointe pour le tour de reconnaissances. Alex est dans le bon timing lui, soit un bon quart d’heure devant moi. Cette année, avec la possibilité de parrainer un pilote qui découvre la discipline j’ai prêté mon dérouleur de road-book, donné des conseils sur la préparation de la machine, accompagné Alex sur les contrôles… Après m’être ainsi paumé, je ne me sens pas, mais alors pas du tout légitime dans ce rôle !

Photo d’Alex au moment du départ du Grand Lucé.

La boucle touche à sa fin et le « vrai » départ pour les tours chronos va avoir lieu. Là, devant moi, une ambulance de pompiers sur la petite route de campagne, un concurrent avec son gilet jaune. Merde, ça a tapé. Je vois sur la gauche une moto disloquée bleue et blanche. Mais c’est une Gsxr ! Un pilote se tient debout entre deux pompiers, c’est Alex ! Merde, bordel !

Je pose la moto et cours vers lui, il est sonné. Me répète « Je suis désolé ». Mais mec, c’est moi qui suis désolé ! J’aurais dû être là, devant toi. Il regardait le road-book s’est déporté à gauche alors qu’une voiture se trouvait en face. Marc – le pilote s’étant arrêté et témoin du choc – me rassure et me dit qu’il va rester avec lui. Je regagne le paddock situé à 5km. Je pose la moto sans savoir si je repars… Oui c’est la course, ça fait partie du jeu. Se perdre comme un con aussi. Mais si nous étions repartis ensemble du circuit, on aurait fait la nav’ à deux et tout ça ne serait pas arrivé. Qu’est-ce que j’aurais dit à ses proches si il avait été sérieusement touché ?

Rouler pour ne pas y penser

Allez, je mets mon road-book en place, et je roule jusqu’à la première spéciale. Toujours pris de doutes, mais il faut aller de l’avant.

Pendant ce temps, les leaders filent vers la seconde spéciale.

Un peu d’attente avant la spéciale, je passe un coup de fil à Valentin qui me donne des nouvelles rassurantes. Radio et scanner sont bons, Alex est déjà sur les petites annonces pour racheter un Gex… Pour me concentrer, je récite la spéciale dans ma tête. Les idées noires sont laissées de côté et le plaisir d’attaquer sur ces routes me fait du bien ! Tiens, la position (4) s’affiche à l’écran d’arrivée, à 5 secondes du scratch. Il déconne leur truc.

Faut que je vous parle un peu de ces deux spéciales : celle du Grand Lucé a déjà été disputée. Je l’aime bien car il y a globalement du grip, des virages aveugles où il faut arriver à garder du rythme, pas mal de dénivelé aussi. La seconde, à Thoiré Sur Dinan, est plus longue et technique. La route est bosselée, des plaques noires glissantes sont pas mal présentes. Là encore, du dénivelé avec une descente en virage qui finit sur un droite à 100°. Avec Pieter, on l’appelle freinage des grosses couilles. (faut des repères mnémotechniques, c’est important)

Celui-là c’est le freinage du poteau blanc que même si tu te sors en visant bien tu peux aller dans le chemin en face.

Et les liaisons ? Prenez 70% de routes où deux voitures ne se croisent pas. Du gravier, de la boue. Une petite portion de terre aussi. Vous obtenez ce qu’on appelle en rallye, un « beau routier », et surtout une visite de ce coin de Sarthe par les petits villages. Pas le temps de s’ennuyer, et il est surtout facile de prendre d’autres pénalités.

Les passages s’enchaînent, je me retrouve avec Renald juste derrière moi dont le road-book maison ne fonctionne plus. On se suivra jusqu’à la fin de l’étape de jour. Ma mission de parrainage aura finalement pris un peu de sens…

Renald sur son R1200RS

Etape de nuit rime avec pluie

Particularité de cette seconde étape dite « de nuit », nous effectuons un passage par spéciale de jour, puis deux passages de nuit après une assistance de deux heures. Je pointe à 19 heures 06, la pluie qui menaçait de tomber depuis déjà un petit moment s’abat sur nous. Et ça va durer une bonne partie de la soirée… J’ai pris ma veste de pluie sans me faire d’illusions sur le fait d’être assez vite trempé !

Je finis cette boucle complètement imbibé. Sorti de l’hôpital, Alex est de retour avec nous, il s’en tire avec une entorse au poignet et un hématome au genou. Vu l’état de la moto, c’est un sacré costaud ! Pieter rentre de sa boucle trempé lui aussi, mais le vaillant CB500 n’a pas une rayure (de plus que celles déjà présentes) preuve qu’il a très bien géré son étape ! On se regarde, une fois enlevé les combinaisons… « On repart ? » « Bah ! On a pas fait 500km depuis la Loire pour se laisser emmerder par de la pluie, non ? »

Ce moment où tu demandes ce que tu fous là.

Même si on a changé de sous vêtements, remettre la combinaison en partie trempée et surtout les bottes est un mauvais moment à passer. Une fois à température du corps on l’oublie complètement ! Bon puis on à l’habitude du trail avec les copains de VDM hein… Ah ! Je me rappelle aussi que je voulais traiter la visière de mon casque contre la pluie et la buée… Tant pis. Dans chaque spéciale, il me faut quelques centaines de mètres pour que la buée s’évacue. Les conditions sont difficiles, la navigation parfois piégeuses avec des panneaux d’indication durs à voir de nuit. Il est presque 01 heure du matin, les motos sont en parc fermé et il ne pleut plus. On l’a fait !

Retenir le positif

Et ça commence déjà par l’ambiance. Les rallyes, c’est toujours l’occasion de faire des rencontres. Pour notre petit groupe, pour une première fois tous ensemble, l’entente a été très bonne. On aurait aimé vous voir arriver tous au bout, les copains ! Je sais que ce n’est que partie remise. Pour les pistards que vous êtes, pouvoir croiser des champions de la discipline en toute simplicité, j’imagine que c’est quelque chose d’assez nouveau. L’esprit road races en somme. Au passage, Alex signe le 23e temps sur le circuit, une belle entrée en matière !

Je dois vous dire que je suis fier des progrès Pieter et sa brave CB500 ! Il ne prend aucune pénalité de jour, et seulement 15 secondes dans la nuit avec des conditions pas simples. Auxquelles s’ajoutent une pneu arrière en fin de vie et un embrayage rincé après le circuit… Le tout sans se bourrer ! Et le connaissant, c’est un exploit en soit.

Brave petite merguez !

Bravo aussi à tous les nouveaux venus, pour ceux qui ont fait les deux étapes, vous avez eu droit à une épreuve sélective ! Je pense notamment à Vincent sur son mono 350 abonné de la chaîne, on se voit au rallye des Garrigues !

De mon côté, je finis derrière Pieter au général. Avec plus de sept minutes de pénalités ! Une vraie tanche en navigation, et besoin de progresser sur circuit aussi (51e temps sur 160). En revanche, je suis satisfait de mon rythme en spéciale, sur l’étape de jour, j’obtiens bien le 4e temps scratch sur l’ES2 ! Puis à deux reprises je rentre dans le Top10 sur cette même spéciale du Grand Lucé, tout en faisant 15e et 17e temps sur celle de Thoiré sur Dinan. Le travail de reconnaissance paie, il y a encore moyen de progresser en allant chercher des repères de freinage par exemple, car à chaque fois j’ai freiné trop tôt.

La pluie de la seconde étape est venue bousculer cette dynamique, ne voulant pas prendre de risque inutile, j’ai assuré le coup. Mais le feeling et le plaisir se sont améliorés en fin de rallye avec un 16e temps sur l’ES10, tout en évitant un chat qui se promenait en fin de spéciale.

Le VFR a passé le cap des 160000km sur ce rallye, et a soufflé ses 21 bougies. Place au nettoyage de la boue sarthoise !

Brave merguez (bis) !

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