Dans l’épisode 1, Régis a survécu à sa première nuit dans la neige entouré par les fous furieux de l’Authentic.
En sortant de la tente à l’aube, on découvre le site pour la première fois au grand jour. On fait le tour, on scrute, on s’étonne, on s’émerveille devant l’ingéniosité d’un trépied télescopique à grillades ou l’audace d’un picard venu en Peugeot 103 SP auquel est accrochée une charrette à légumes…
Par chance, cette fois là, le vent glacial, le grésil et la neige de la veille avaient laissé la place à un franc soleil qui rendait les températures tout à fait tolérables pour peu qu’on soit bien couvert.
Comme deux bleus que nous étions, Denis et moi avions les yeux grands ouverts sur les merveilles qui se présentaient à nous. Deux gosses. Et y avait de quoi. En plus des side-cars, y’avait de tout: du gros trail à la mob, du chopper à la moto de collection du genre Terrot ou Bonneville pur jus.
On a écouté les ragots, les histoires, les anecdotes cocasses. Celle du millésime 2013: un gars que la Croix Rouge a ramassé en pleine nuit, à poils dans la neige, plein comme une huître au beau milieu d’une allée. On apprendra qu’en fait il avait vomi sur son pote dans la tente et que l’autre l’avait viré. Et comme apparemment ça lui suffisait pas, il a décidé de viser le titre de champion du monde en se paumant au point de ne plus retrouver ladite tente interdite. Sur le coup je te promets que le côté sécurité, tu l’oublies. C’est con mais ça te fait rire.
La matinée est passée sans qu’on s’en rende compte. C’est quand on a vu les collègues installer la machine à bouffe qu’on s’est inquiétés de l’heure. Car qui dit confort sommaire, technologie réduite et occupations rustiques dit recherche des fondamentaux de survie : Manger, boire, rigoler.
Quelques grillades plus tard on a remis ça. On est même un peu sortis du terrain pour aller voir aux alentours, histoire d’avoir une idée plus précise de l’endroit où on risquait nos vies. A notre grande déception, on n’a croisé aucun tigre à dents de sabre. Des mammouths ? A peine un petit troupeau au loin. Des femelles et trois jeunes, pas de quoi jouer les héros. Du coup on a laissé passer la dizaine de rhinocéros laineux qui se promenaient par là et on a sorti les appareils photos parce que franchement, c’était joli.
De retour aux tentes, on était contents de voir que d’autres potes étaient arrivés entre temps. On commençait à se retrouver à pas mal. Et vu que parmi les arrivants on ne comptait aucun rabat-joie du genre dépressif professionnel et que, je le rappelle, on n’avait que ça à glander, ben on a continué à passer le temps en se promenant et en se bidonnant.
A un moment pourtant, je me suis quand même inquiété du retour. Parce que bon, rigoler et boire des canons c’est bien beau, mais au souvenir du bourbier qui marquait l’entrée du terrain, je préférais anticiper. Les emmerdes c’est comme les hémorroïdes: si c’est déjà dans ta nature d’en avoir sans forcer, évite de manger épicé par dessus le marché. Je me suis donc attelé à de la tentative d’optimisation du grip de mes pneus route avec de la ficelle. Bien conscient que ça ne me permettrai pas de franchir l’Everest, j’espérais que ça me permettrait au moins de sortir de là sans me vautrer avec la meule chargée. Pour répondre aux éventuelles questions oui, ça a marché. Aucune vautre ni dans la neige, ni sur le verglas, ni dans la boue. Remarque, l’avantage de la boue quand elle gèle, c’est qu’elle ne glisse plus.
Pendant ce temps les heures ont passé, le jour a décliné, le soleil s’est couché. Les feux se rallumaient un peu partout, les derniers arrivants arrivaient. Seulement, parmi eux, toujours pas de David, le dernier pote censé nous rejoindre. On a fini par avoir de ses nouvelles alors que la nuit été carrément tombée. Il était en route, il avait pris du retard au départ de chez lui. Alors, vu qu’elle était prête, on a attaqué la fondue.
Pour le chapitre fondue c’est pas compliqué: ces fondues-là, mangées en cercle au dessus d’un feu, dans le froid et la convivialité, sont les meilleures que j’ai jamais mangées. Bon, c’est sûr, le fromage utilisé c’est du fermier premier choix, du frogomme de compèt’. Mais les circonstances rehaussent le tout. Et croyez-moi, vivant en Haute-Savoie, des fondues j’en ai mangé quelques unes avant de goûter celles-là.
Pour le chapitre David c’est pas compliqué non plus : il a fini par arriver à point d’heure, crevé et énervé. On l’a aidé à monter sa tente, et on l’a laissé finir de s’installer. A un moment, on l’entendait gonfler son matelas pneumatique avec sa pompe à pied. Tout allait bien, il était posé, duvet sorti, frontale sur le melon, manquait plus que le matelas et il était paré. Sauf que c’est là que, entre deux gorgées de je ne sais quel étrange breuvage qui pique, on a tout d’abord entendu un grand « Pan ! » suivi d’un aussi grand « Putain ! ». Le « Pan » c’était le matelas qui avait explosé. Les coutures n’avaient pas supporté le froid. Le « Putain » c’était David qui terminait en beauté une journée de merde. On lui a filé de quoi s’isoler au mieux du froid, et on est tous passés à autre chose, lui le premier.
On a rencontré un gars qui, sorti de nulle part, faisait le tour des feux. Un vieux de la vieille qui nous a raconté pendant une bonne heure des histoires et des anecdotes du temps où on n’était même pas nés. On lui a offert la gnôle et il a fini par disparaître comme il était apparu, à travers la nuit, la fumée et les faisceaux des projecteurs.
Puis on a profité des derniers instants pour se coller autour du feu nous, les derniers couchés, les pas d’heure. Approcher nos bottes si près qu’elles étaient à deux doigts de fondre, fumer des clopes, rigoler encore et toujours, y rester tant qu’il y aurait encore du bois à brûler et ne surtout pas penser au lendemain.
Ce lendemain est arrivé tranquillement. On s’est levés tôt, encore une fois, pour tout remballer avant de se farcir les 380 bornes qui nous séparaient de la maison. Replier la tente gelée, tout faire rentrer dans les valises, réussir à démarrer (LA grande angoisse de beaucoup), laisser chauffer pendant que tu salues les potes en buvant un café chauffé sur les braises encore chaudes de la veille. Un plein au village avant d’enquiller l’autoroute puis direction Lyon, Bourg en Bresse, Nantua et nos montagnes en guise de terminus.
Arrivée devant le garage, déchargement, rapide nettoyage et ça y était: Bleuchette avait son premier macaron d’hivernale sur la carlingue.
Elle en a deux de plus, aujourd’hui. Et qui sait, un jour peut-être j’espère, elle aussi en aura assez sur les valoches pour impressionner les petits jeunes et leur donner envie de tenter l’expérience. Parce que pour ça comme pour le reste, quand t’as fait ça plusieurs fois, tu ne rêves que d’une chose: en faire d’autres, ailleurs, plus dures encore.
Pour tutoyer les origines et les légendes du monde motard.
super article , qui m a fait me remémoré de très bons souvenirs !! ( dont une photo en particulier !) cet premiere hivernale pour moi aussi m a enseignée 2 choses :
– bien choisir son copilote ( le mieux c est de pas en prendre du tout !!!)
– les matelas pneumatique ca aime pas le froid !!!!!!
Génial comme souvenir !!!
Bel article bien rédigé qui fait rêver.
J’avais l’impression d’y être !
Merci !!!