Pour ceux qui ne connaissent pas, qu’est ce qu’une montée impossible ? Pour faire court : des engins modifiés, des furieux, une pente raide et boueuse avoisinant 90 %, 200 m de dénivelé, de la grosse musique et… de la bière !
Le but du jeu ? Atteindre le sommet d’une piste de boue le plus rapidement possible sur des bécanes – ou plutôt des motoculteurs- bien trafiquées. Cadres libres, fourche de cross, bras oscillant rallongés, types et nombre de roues indifférents, pneus à boulons ou à godets vivement conseillés, garde boue sur mesure obligatoire – à moins d’être un fakir, il vaut mieux de ne pas s’asseoir sur ce type de pneus – et pour le moteur, cylindrée minimum de 600cc (250cc pour les féminines). D’ailleurs on y trouve un peu de tout : du 1000 GSXR, 1000 VFF, 700 Bombardier, Suz’ 450… Alléchant nan ?
Cette année, ils ne sont pas moins de 70 pilotes engagés, dont 5 gonzesses qui prendront le départ au milieu de tous ces velus.
Pour ma part, c’était une découverte. Des années que j’en entendais parler, il fallait que je vois ça. Sauf que Bernex ce n’est pas à côté, et que ce sera à moto ou rien ! Malgré le mauvais temps installé partout en France – en grande optimiste que je suis – j’opte pour du matos d’été. Étrangement les copains avaient plutôt prévu l’inverse : combi de pluie et compagnie. A être négatifs comme ça, ils nous ont foutu la poisse.
Qu’on se le dise, Bernex, pourtant joli petit village de montagne avec vue sur le lac Léman, ne fait pas rêver sous la pluie. Le ciel est gris, humide et il fait froid. Pour accéder à la course à 1400 m d’altitude, le passage sur le télésiège est obligatoire, ça laisse le temps de lire le programme de la journée tandis que le son des échappements libres résonne déjà dans les montagnes. En arrivant là haut, on est tout de suite dans l’ambiance. La piste au loin ressemble déjà à un champ de labours et j’aperçois un pilote tenter péniblement d’atteindre le sommet. Il chute. Je découvre alors le système de rapatriement des bécanes par un gros treuil de débardage tendu au dessus de la piste. Le pigiste et les bénévoles se démènent dans la boue pour atteindre le motard et sa moto le plus rapidement possible, le pigiste prend la mesure, les bénévoles attachent la moto au treuil et elle se fait traîner dans la terre le temps de prendre de la hauteur. De son côté, le pilote redescend à pieds. C’est comme ça toute la journée et on ne s’en lassera pas !
Les montées s’enchaînent, les motos volent (peut-être une technique pour gagner quelques mètres), se retournent, dégringolent la piste, les moteurs grondent de plus en plus fort. Un seul pilote réussit a atteindre le sommet : 200m en 32 secondes. Impressionnant vu d’en bas. On nous annonce le départ des gonzesses, elles font de leur mieux, et réussissent plutôt bien. A voir les vibrations et secousses que tu dois te prendre dans les bras et le dos, ça ne fait pas rire. Mais moi, là, en bas de la piste, les pieds dans la boue, je les envie bien un peu quand même.
Arrive la fin de la seconde manche et la pause de midi. Cette année, une première à Bernex, ils décernent le prix de la plus belle moto. A condition qu’elles soient toujours en état pour y participer après deux manches. Il y a de l’imagination sur les brêles : sortie d’échappements sciées, roues de voitures, sponsoring à la « Jackie et Michel » ou Durex,… Oui, oui ça envoie du lourd ! La pause permet aussi à l’organisation de rendre hommage au vice président du moto club, décédé en 2015 et au maire de Bernex décédé lui la veille de la course. On nous demande alors une minute de silence. Une minute de silence respectée par des centaines de personnes au milieu d’un alpage, ça force le respect.
La course reprend, départ de la troisième manche et les pilotes ne sont pas gâtés par la météo. Nous non plus d’ailleurs ! La piste ne ressemble plus vraiment à une piste, les premières montées tournent à la compétition de la plus grosse tranchée. Les motos n’arrivent plus à grimper, entre la boue qui colle, les racines qui glissent et peut-être un mauvais choix de roues. Le spectacle continue malgré le temps et les pilotes ne lâchent rien. Certains persévérants atteignent tout de même le premier palier, dans la brume. Elle s’installe, repart, revient, tout comme la pluie qui de temps en temps ressemble fortement à de la neige. Le public est un champ de parapluie, certains se construisent des abris de fortune avec une bâche et deux bouts de bois, d’autres tentent de s’abriter sous leur programme. Nous c’est sacs poubelles ! D’ailleurs, conseil utile pour les jours pluvieux : toujours avoir un stock de sacs poubelles sur soi quand on se promène à moto. On sous-estime beaucoup trop l’utilité du sac poubelle : sitôt une nappe, sitôt un endroit sec où s’asseoir, sitôt une couverture étanche. Surtout lorsqu’il pleut comme vache qui pisse ! Le froid a malheureusement pris le dessus au fil des heures et nous sommes redescendus avant la quatrième manche. C’est qu’il fallait encore faire 100 bornes en moto sous la pluie pour rentrer avec de la boue jusqu’aux genoux !
Les organisateurs et les 150 bénévoles ont fait un excellent boulot – malgré le temps qui n’était pas du côté de la course – pour que nous passions une bonne journée. Et nous étions nombreux à avoir fait le déplacement pour partager cette montée avec eux. Ils ont voulu un événement « écolo » : pas de verre, remise en état de l’alpage le lendemain même, utilisation du télésiège et interdiction des voitures sur le site. Cette année, ils ont même dû refaire la piste à la damneuse. Ils ont eu beaucoup de mal à recouvrir de terre d’ailleurs, trop de pente ! Vous pouvez voir ça sur leur site (montée.impossible-bernex.com). Et ils en ont profité pour augmenter un peu la difficulté au niveau du dernier virage. C’est sur que ça avait l’air tellement facile…
Ce genre d’événement est organisé par des gens passionnés et on le ressent bien. Vivement la prochaine !
Et pour finir, en bonus, une petite vidéo du damage de la piste :