Bon déjà je vais faire les présentations, que je ne débarque pas ici comme une fleur ! Donc voilà moi c’est Charlotte (ho punaise une fille !), Marlotte, Martine ça dépend des gens, 30 ans, permis moto en poche depuis novembre 2013. J’ai surtout roulé avec la 650 NTV de mon père. Mais bon, l’envie d’avoir sa propre moto me hantait et je ne trouvais pas mon bonheur (enfin je n’avais surtout pas les moyens de mes envies). Complètement dépitée, un jour mon père me dit que si j’en voulais une je n’avais qu’à récupérer sa première moto : une cb 350 de 1973. Proposition géniale si cette moto n’avait pas été stockée en pièce détachée depuis presque 37 ans. Oui oui « pièces détachées », moteur compris….. Mais on ne refuse pas un cadeau de son père alors j’ai accepté. J’ai donc réceptionné le cadre et les 5 cartons de pièces en novembre 2014. Je m’étais donné 3 semaines pour tout refaire, cela m’a pris 9 mois…. Normal me direz-vous, pour une fille. Aidée de deux-trois collègues, le moteur a pu enfin démarrer après quelques temps. J’attendais de voir s’il pouvait tenir avant de me lancer dans la restauration complète de la belle. En juillet 2015 elle était enfin sur la route. Je vous épargne les galères que j’ai rencontré : perte du feu stop (de marque Ducati, tiens tiens coïncidence ?), des soucis électriques à la pelle, des fuites d’huile, d’essence,… Bref les joies de rouler en vieille !

Après 1000 km les fuites d’huile devenaient trop présentes j’ai donc décidé de rouvrir le moteur et de refaire tous les joints. Pourtant mon garagiste m’avait prévenu : « Le mieux est l’ennemi du bien ». J’étais reparti dans les soucis en tout genre…. Des problèmes vraiment improbables : Arc électrique entre la culasse et le cadre, pas d’allumage au cylindre droit quand j’ouvrais les gaz, etc. Bref, j’ai pensé plusieurs fois à la jeter dans le Rhône (oui je suis pas loin, j’habite dans la Drôme).

De retour sur les routes, il me fallait prendre confiance et profiter enfin des joies du deux-roues. Quelques sorties le weekend, un « long » trajet de 100 km (où j’ai perdu mon pot d’échappement) et  j’arrive enfin à y trouver du plaisir. Dans mon entourage proche, chéri et amis roulent sur piste de temps en temps. J’ai bien envie de m’y mettre aussi mais pas avec ma CB. C’est un coup à avoir un accident ! Et je n’ai toujours pas les finances pour me payer une deuxième brêle juste pour m’amuser quelques weekends par an… Et puis un jour c’est la révélation : Avec ma moitié on se fait une petite montée sympa dans notre coin et ma CB se révèle extra (pour moi). Pas besoin de freiner (oui j’ai une sainte horreur des freins… parce que je n’en ai pas) et un couple en deuxième et troisième qui me sort correctement. Voilà, c’est décidé, je ferais des « courses » de côte. Le soir même je cherche sur le net, et je tombe sur la Montée Classic du Mont Ventoux. Départ à une heure de la maison, 2,5 km de montée avec un dénivelé positif de 255 mètres. Que des motos d’avant 1987 et donc un environnement idéal pour ma CB. Cette montée existe depuis quelques années déjà, tous les passionnés de vieux brêlons s’y retrouvent et font tourner des machines rares ou inadaptées pour la route. Je tente de m’y inscrire un peu tard, l’organisateur me dit : vous êtes une fille avec une CB d’origine ? Il n’y en a pas beaucoup c’est bon venez !

IMG_9001

Toute la semaine avant la date fatidique je me suis préparée comme une dingue. Eh oui, pour rouler en vieille faut prévoir plein plein plein de trucs ! J’ai donc une mallette à outils de pro, un bidon d’huile, et surtout des Colson et du scotch, très important ! Samedi soir c’est le chargement de la bête sur la remorque et c’est parti. On prévoit de dormir sur place même si ce n’est pas loin, car à 7h dimanche matin c’est le contrôle administratif et technique, pas envie de me lever aux aurores. Arrivée sur zone vers 20h il y a déjà beaucoup de monde sur le terrain communal : camping-car, tentes, fourgons avec des motos hallucinantes dans tous les coins : 500 RDLC, 500 RG Gamma, du side, des Norton Manx…. et bientôt la mienne !

On se cale dans le champ et on débarque tout. Juste à côté il y a aussi une CB 350 mais préparée pour la course. On part papoter avec le proprio. Et voilà que ce dernier expose tous les travaux effectués à mon chéri puis il commence à poser des questions sur la CB que nous venions de décharger. « Heu… En fait c’est celle de ma femme« … Ah ? Intérieurement j’étais hilare (c’est comme MDR mais en mieux écrit). On fait le tour du paddock et vite au lit car demain, ça va envoyer du lourd. Dimanche matin,  réveil à 6h30. Ouille. Je pars au contrôle administratif où les organisateurs sont tous accrochés à leur tonnelle. Malheureusement, le Mistral s’est levé dans la nuit. Et cela ne pas s’arranger dans la journée. Papiers c’est good, place au CT…. c’est good aussi ! Juste vérification des pneus et de l’homologation du casque. Je reçois ma plaque, numéro 162 et là les colson entrent en action ! Le stress commence à monter quand vers 8h30 j’assiste au briefing pilote. L’âge moyen avoisine les 60 ans…. L’organisation nous répète : « Ce n’est pas une course, on est là pour faire rouler des machines d’exception, pour se faire plaisir, les dépassements ne sont pas autorisés… » Ok. Je note. De toute façon, c’est pas avec ma machine « d’exception » que je vais tenter des dépassements…. Déjà si j’arrive à tenir la journée sans panne, j’irai mettre un cierge à la prochaine église.

9h début des hostilités : Premier groupe en place. Ce sont toutes les machines de course, les prototypes et tous les engins non homologués ou immatriculés… Et bien heureusement qu’il y a du Mistral ! Nous assistons aux départs dans un nuage de mélange. Et – note à moi-même – l’année prochaine je ramène un casque anti-bruit. Certains sont chauds comme des baraques à frites et manquent de peu de se sortir dès les premiers mètres. Puis ils appellent les sides en ligne de départ, ce qui veut dire que la deuxième série (moi) doit se présenter en pré-grille. Vite retour au camion, mon casque, mes gants, je la démarre, c’est bon elle tourne sur ses deux cylindres (ouf !) et c’est parti ! On est rangé à peu près dans l’ordre de nos numéros (dans l’après-midi c’était même n’importe comment). Je me retrouve avec une CB four à ma droite. Là le type commence à me parler. Comment dire, 50 moteurs en route dont 10 qui essorent la poignée histoire de bien faire chauffer, et mon casque sur la tête je n’entends… rien ! Et puis je suis « légèrement » stressée (en panique quoi !), avec toutes ces vibrations je ne sais même plus si mon moteur tourne encore, j’ai peur de caler, j’ai peur de rater les virages (oui, aucune reconnaissance de la route), j’ai peur de péter le bourrin, j’ai peur de casser ma chaîne… Je sais pas vous mais moi je pense à tout ça quand je roule….

Photos « en action » : Jean-Louis Hébert

J’arrive enfin devant le drapeau de départ, là pareil, l’organisateur me blague… J’ai rien compris, il me tape dans le dos je pars à fond ( comme j’ai pu). Et merde un virage aveugle à gauche : première peur ! J’arrive à le négocier, ensuite j’enchaîne de belles courbes sympas, droite, gauche, des chicanes en bottes de foins, trois fois, puis la route sort des bois et là c’est le drame (enfin presque) je vois un virage à gauche avec un parapet tout petit en pierre sur la droite. Dans ma tête c’est : si je tombe là il y a un ravin, je vais mourir. Et évidement, qu’est ce que l’on nous dit au permis moto ? La brêle va là où l’on regarde….. Ben je vois bien que le parapet se rapproche, rétrogradage de deux vitesses, petit freinage arrière histoire de pouvoir tourner et hop je m’en sors. Mais évidement j’ai perdu toute ma vitesse. La montée à 8%, c’est dur pour mon petit bi-cylindre ! Le reste du parcours se passe tranquille. En sortant d’un beau virage à gauche je vois le drapeau à damiers. Ouf arrivée ! Les autres concurrents qui sont montés avant moi attendent sagement. Je me mets dans le groupe et coupe le moteur. J’ai la jambe gauche qui est prise de tremblements et je dois descendre de la moto pour me calmer. Pas trop de plaisir dans cette première montée mais j’ai au moins repéré le tracé. On redescend tous au coup de sifflet. En troupeau. Normalement à vitesse réduite et sans dépassement. Sauf que ça fait bizarre de se faire faire l’exter’ par un side avec le singe couché par terre… Tout le long de la redescente les commissaires et les spectateurs applaudissent, je me sens fière sur ma vieille même si je n’ai pas (encore) éprouvé de plaisir. Arrivée en bas, pause clope et pipi de la peur ! Je vérifie quand même le moteur, ça suinte un peu l’huile mais rien de grave. A peine 15 minutes de pause qu’il faut déjà repartir ! Rebelote mais cette fois-ci je prends bien mes courbes, j’utilise bien toute la route, je passe mes vitesses quand il faut… Arrivée en haut j’ai enfin le sourire ! Arrêtée à côté d’une Godier-Genoud, le pilote me dit : « ça sent l’huile cramée, j’adore cette odeur cela me rappelle mon garage« . Heureuse de l’apprendre ! C’est que j’ai installé des bandes thermiques sur mes pots au début de la restauration et la bande de gauche absorbe toutes les fuites d’huiles depuis, donc quand ça chauffe ben…. j’ai un nuage blanc-gris qui pue l’huile cramée qui s’en échappe. Redescente et pause de midi : barbecue sur le paddock (enfin le champ mais ça fait classe de dire paddock). On a 2h de battement. Petit café à la terrasse du restaurant juste en face de la ligne de départ et on assiste à la reprise de l’après-midi. Ce sera nos seules 2h d’air pur… La première série monte plus vite que ce matin et je dois déjà aller récupérer ma belle. Moins de stress, plus de soleil et encore plus de vent. Je me sens bien sur le tracé. Je suis à fond (moi, pas les gaz), je pense à tous les conseils entendus sur les circuits : regard loin, utilisation de toute la piste, anticipation et je me retrouve… en haut. Déjà ! Les montées s’enchaînent ensuite toute l’après-midi mais la conduite devient plus prudente, le tracé (et surtout la ligne de départ) commence à ressembler à une friterie : il y a de l’huile partout ! Après 6 montées, même pas un plein, des sensations de dingue et pas une panne (va falloir que j’aille mettre un cierge) c’est déjà la fin de cette 7eme Montée Classic.

Je sais pas vous mais moi je commence à beaucoup l’aimer cette petite moto…
IMG_8933

12 Commentaires

  1. Merci pour ce papier.

    Et puis si il y a de l’huile qui fuit, c’est qu’il y en a.

    Le but, c’est le plaisir. Apparemment tu l’as trouvé. Ne le lâche plus.

    Philippe

  2. Quelle belle histoire ! Ca fait plaisir de voir une motarde que rien n’arrête, qui va au bout de ses défis, aussi fous soient-ils !
    Et chapeau bas pour le remontage et les réparations de la titine, je n’y connais rien (encore) en mécanique mais je compte bien apprendre très bientôt…
    Au plaisir de te rencontrer Chacha 🙂

  3. Excelent article qui m’a fais beaucoup rire tellement ça me rappelle mes galère en vieille aussi (gpz 600 r de 86).
    Bravo pour tous le taf effectuer pour le remontage c’est pas de la tarte surtout quand on a pas démonter sois même. 9 mois, j’aurais surment pas fait mieux!! C’est vrais que le Rhône est très tentant dans le coin. En tant que vauclusien je suis souvent partagé entre le Rhône et le ventoux!

  4. Je ne connaissais pas ce type de course et bien un grand merci, tu m’as régalée ! ? Très belle écriture, je m’empresse de partager ton texte sur mon réseau !
    Merci #viedemotard de lui avoir cédé la plume ?

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.