Les vacances de Pâques, c’est les meilleures. Toi qui n’est pas un fainéant de prof tu ne t’en souviens plus, mais ces vacances là marquent l’arrivée du printemps, des petites fleurs et des insectes sur ta visière. C’est le moment où les types ressortent leurs bécanes après l’hiver, où ça recommence à arsouiller sur les petites routes. Quand comme moi tu roules toute l’année, il y a un côté « I did it » : Un hiver de plus passé au guidon à se geler les miches. Place au kif de rouler dans les odeurs printanières, les aérations de la veste ouvertes. C’est encore plus savoureux du coup. Et puis, surtout, quand tu remontes à Paris, tu as beaucoup moins le spleen que pour les autres vacances car tu sais que celles qui suivent c’est les « grandes ». Et contrairement aux élèves, n’ayant pas le brevet à passer, c’est plutôt coolos la fin de l’année scolaire. Bref, autant te dire que j’étais pressé de chez pressé de sauter sur ma brêle le samedi matin direction le Sud. Sans compter que, sur place, mes cousins du Var venaient me rejoindre avec leurs brêles off road pour une rando TT « familiale ». Weekend de folie en perspective.
Vu que je suis un mec vachement pointilleux, j’ai décidé de jeter un œil à ma brêle le vendredi midi sur le parking du collège. Je m’y prenais à l’avance quoi. Allez hop, un coup de graisse sur la chaîne et vogue la galère. Oui, je préfère graisser dans la cour du bahut plutôt que sur ma place de parking.Pas besoin de frontale. Et ça fait mec qui gère la mécanique, les élèves adorent. Par contre, j’entends un « tic-tic-tic-tic » pas normal. Ah tiens, c’est la chaîne qui frotte sur le collecteur, va falloir la retendre. Oh ben ça alors, elle est déjà reculée au max. En voulant regarder son jeu, je la « déraille » à la main. Oups. Je crois bien que mon kit chaîne est tout mouru. Il tiendra pas mes 2 000 bornes sudistes réglementaires. Je saute sur mon téléphone « Allo Reuilly Moto ? help-me ! ». Quand tu es un branquignole comme moi, t’as intérêt à avoir le numéro d’un bouclard en or et doué d’une patience exceptionnelle. Quinze jours avant, avec Olivier, on leur avait fait fermer boutique un vendredi soir à 22h (au lieu de 19h) pour nous aider à changer nos pneus à tétines. Niveau client qui abuse j’avais déjà grillé pas mal de jokers je pense. Mais – coup de bol – Erick avait un dépannage annulé le samedi matin et un kit chaine en rayon. Rendez-vous est pris. Ouf.
Reuilly moto un samedi matin, c’est un peu une concentr’ moto. Faut pas être pressé : 1h pour que la moto soit opérationnelle, puis 3h à prendre des cafés et bavarder avec les autres motard(e) s en goguette. Je finis par décoller vers midi. Pas de chichis. Cette fois je descends comme une brute parl’autoroute. Chuis pressé. Puis les paysages de l’axe Nord/Sud je commence à les connaître (heureusement que la mut’ arrive). Sur l’autoroute, il y a deux écoles. D’abord les lièvres qui roulent pas plus vite qu’à donf. L’idée est simple : toujours à toc, tu vas plus vite. Sauf que comme dans la fable, tu consommes plus, tu te consommes plus et finalement tu dois t’arrêter plus souvent. Les tortues de leur côté misent sur la régularité. A vitesse stabilisée, tu épargnes tes cervicales et ton permis. Tu tiens plus longtemps, tu fais moins de pauses. Bien sur, je suis partisan de la seconde technique. Avec mon rythme soutenu, mes arrêts pas plus longs que ceux du Pony Express et un grand soleil, je me dis que c’est bon : Vers 17h je serai sur mon XL en train de jouer sur les pistes avec mes cousins. Que nenni.
Au niveau de Bourges le voyant rouge s’allume. Mamamia. Plus d’huile ! Je stoppe tout. Mais quel boulet ! J’avais pensé à tout. J’ai fait suer mon garagiste pour changer mon kit chaîne en urgence. J’ai fais la pression de mes pneus. Contrôlé mes plaquettes et nettoyé mes disques. Et, et, et… j’ai oublié de faire ce foutu niveau d’huile. Rhaaaaa… Après quelques minutes à m’insulter copieusement sur le bord de la route. Je me résous à appeler la dépanneuse. La Mutuelle des Motards a été au top comme d’habitude (oui, je suis ce genre de mec pour qui tomber en rade est en train de devenir une habitude) et je n’ai rien eu à avancer. Pub cadeau d’assuré content. Bref, environ deux heures plus tard je repartais de chez le concess Suz local la tête basse avec un bidon d’huile dans le sac à dos. Et comme si le Cosmos se foutait de ma gueule, voilà qu’il se met à flotter comme jamais. Bref, je suis arrivé chez mes parents aussi détrempé que déconfit à l’heure de l’apéro. Autant vous dire que les cousins m’ont servi une grande lampée de chambrage sur mes talents de mécano. On est comme ça dans la famille, on se console à coup de vannes.
Le lendemain on est allé faire notre ballade dans les chemins. Avant de partir, j’ai fait mon niveau d’huile. Comme dit l’autre, on apprend de ses erreurs. Même des plus débiles…