Septembre. Retour au bahut. Retour au blog. Retour à Paris. Cool, cool, moins cool. Dur de se réadapter au tohu-bohu parigot après deux mois de vie sauvage dans un bled de sept habitants. Eh oui, je vous avais prévenus : à la rentrée, je suis aussi joyeux qu’un inspecteur des impôts devant une déclaration de revenus en règle.
Avant, quand je remontais en 2h45 de TGV, c’était la déprime la plus totale. Trop de contrastes en quelques heures pour mon petit cœur provençal. Faire le trajet à moto, l’air de rien, ça fait passer la pilule. Comme quand j’organise un goûter avec mes élèves en les menaçant d’un devoir surprise si un verre est renversé. Immanquablement, il y a toujours un maladroit pour tomber son gobelet. Toc, toc, toc c’est l’heure du contrôle. Ahhh que j’aime ce métier où je peux laisser ma cruauté s’exprimer. Ben là, c’est pareil : je m’auto-arnaque en me faisant une chouette balade… jusqu’au 93.
Je ne sais pas toi, mais sur des longs trajets comme ça, j’aime cruiser seul, la barbe au vent, des heures et des heures durant. Oui, vu ma moyenne, je « cruise » plus que je ne roule. Tu t’arrêtes quand tu veux, tu fais ce détour ou pas, tu peux même rouler honteusement à 70 sur une nationale vu qu’il n’y aura pas de témoin (à 200 non plus cela dit, mais le PV dans la boîte aux lettres risque de te trahir…) Dans ce genre de périple solitaire, je finis toujours par avoir de passionnants monologues. Allez, monte dans ma tête, je t’emmène faire 900 km.
La première demi-heure, je ne pense pas à grand chose. J’ai encore les yeux à moitié collés de sommeil et les paysages sont enfouis dans la pénombre. J’aime partir très tôt le matin. Puis je commence à me cailler. Les amateurs de camping le savent, le moment où il fait le plus froid, c’est un chouia avant l’arrivée du soleil. Je continue de rouler en claquant des dents : pas question de s’arrêter au bout d’une heure à peine. Je m’occupe en vérifiant mentalement que je n’ai rien oublié à Avignon. Et, bien sûr, je réalise que le pantalon de pluie est resté dans le placard (je dois en acheter trois par an de ces trucs, je les sème un peu de partout). Bah, les grenouilles n’annoncent pas de pluie. A 7h30, j’attaque le Vercors par le col du Rousset. Ça ne s’est toujours pas réchauffé et la température baisse proportionnellement à l’altitude. En haut, je fais trois fois le tour du parking en courant et en tapant dans les mains pour me réchauffer. Un boche sort à ce moment là de son camping-car, en calbute et marcel, avec un grand sourire. Ils n’ont jamais froid ces gens ? De rage, je suis pris d’une crise d’éternuements. Non je n’ai pas chopé un rhume.
Durant la traversée du Vercors, les paysages sublimes où les rayons du soleil levant se mêlent à la brume matinale défilent et s’impriment aussi solidement dans mon cerveau qu’une tache de gras sur un pantalon beige. Malgré le filet de morve qui fait l’élastique au bout de mon pif, je me délecte des odeurs d’herbes grasse, de résineux et de brebis qui m’entourent. Je me répète en boucle – et entre deux reniflements – que c’est pour ce genre de moments de grâce que je suis motard. Ces quelques kilomètres sur le plateau et dans les gorges d’Engins seront le temps fort du parcours.
Voilà Grenoble. J’aime pas les abords des grosses villes. Je me perds à chaque fois. Et bien sûr, ça n’a pas loupé. J’ai cherché en vain la N75. Puis j’ai fini par réaliser que cette foutue route… avait changé de nom. Ma carte de la région PACA a une dizaine d’année et entre temps ils ont refait la numérotation des départementales. Plus rien ne correspond sur mon road-book. Ça m’apprendra à être pingre au point d’avoir des cartes périmées. Je me mets en mode trappeur canadien et je navigue plus ou moins à vue. Il y a pas mal de ratés mais en fait, je m’amuse bien. Je finis par franchir un tunnel et je me retrouve soudainement devant le lac du Bourget, mon « objectif »… What else ?
Tout fier, je m’arrête au premier McDo que je croise pour fêter ça. Officiellement, c’est parce qu’il n’y a rien d’autre d’ouvert. Officieusement, c’est parce que je profite que ma copine ne soit pas là pour me vautrer dans la junk food. Pas de témoin, pas de bio. En repartant direction Bourg-en-Bresse, je me tape un coup de mou sur la digestion du cheesburger. Alors, pour me tenir éveillé, je réfléchis à de futurs textes pour viedemotard. La plupart de temps « l’inspiration » me vient en roulant (ce qui est plutôt bon signe vu l’objet du blog). Sauf qu’après ben j’ai peur d’oublier mes idées. Alors je m’arrête pour les noter. Merde, mon carnet est au fond de la valise. Je vide la valise. Griffonne quelques lignes. Re-remplis la valise et je repars. J’aurais pris moins de temps à faire une sieste…
En arrivant à Chalon, il y a belle lurette que j’ai quitté les montagnes et faute de paysages je me dis que ce serait pas mal de rattraper un peu le temps perdu durant mon errance alpestre. L’autoroute, c’est un peu comme choper un champignon dans Mario Kart. En deux temps trois mouvements, me voilà à Avallon. Petit coucou au Morvan histoire de se rincer bucoliquement une dernière fois l’œil puis c’est la bascule dans la morne plaine francilienne. Le ciel se couvre et la route se fait plus chargée de bagnoles. Afin de rendre tout ça un peu moins tristounet, j’allume mon intercom et je me mets à chanter la dernière de Maître Gims (je captais NRJ, va savoir pourquoi). A mon deuxième « Est-ce que tu m’aimeuuuuus ? Chais pas si je t’aimeuuuu » l’orage éclate. Forcément, foutue casserole. J’ai d’abord eu une petite pensée émue pour mon pantalon de pluie oublié. Puis j’ai fermé ma gueule et ma visière et je suis rentré sur Paris concentré sur les bandes blanches glissantes.
En coupant le contact, je jette un œil sur ma montre : 14h de trajet. Pas mon record de lenteur mais chuis dans la moyenne haute. Et le plus terrible… c’est que je n’ai pas vu le temps passer.
Y a pas que moi qui aime les longues étapes à ce que je vois 🙂
Article très sympa !
« On the road again » pour la routine! 😀
Bonne rentrée à toi, et bonne reprise des interfiles! 🙂
Pis de toutes façons tes vacances ont été bien trop longues, nan mais oh!
Ralala, les profs, j’vous jure! 😀
Hey, pssst, tu m’emmènes la prochaine fois?
14 h d’affilée ……, c’est balaise !! J’espère que tu avais pensé à ta pommade ( Sop Hémo !! ) Blague à part merci pour le partage et ton récit ! Au moins on a l’mpression de voyager avec toi ! Bonne reprise et au plaisir de te lire !
Ben, figures toi que si je répète à longueur de temps que le V-Strom est une moto moche et pas puissante pour 2 sous, j’oublie trop souvent de dire à quel point niveau confort c’est le grand panard de la mort qui tue. Alors mes fesses potelées n’ont aucun mérite… 😉
La V-Strom moche ? La nouvelle 1000 à plutôt un look sympa je trouve, et je me suis tellement bien marré à son guidon ! Sûrement un de mes meilleurs essais. J’ai collé en arsouille deux Gex sans forcer, j’ai eu l’impression d’être bon! Bref, la V-Strom est une moto sobre et humble, mais superbe pour les messieurs qui n’ont pas de « complexe de petit zizi ».
Bon, c’est noté… Je m’habille chaudement pour le col du Rousset. Pour moi ce sera la semaine prochaine. Aller je suis bon prince, nous aurons une pensée ému pour toi et pour le 9/3 🙂
Grrrrrr… Faut dire que par chez toi, tu dois déjà être équipé niveau fraîcheur automnale ! 😉
Ici (Belgique) l’automne est définitivement installé :'(
J’ai ressorti les gants d’hiver et la grosse doublure. Et je me suis fait rincer tous les jours de la semaine!!
Chaque année on se dit qu’on s’expatrierait bien dans le sud, et chaque année on reste quand même ^_^
Faut croire que je suis amoureuse de mon plat pays au temps pourri! 😀
Comme je partage cette opinion ! Rouler, rouler des heures durant sans avoir vraiment envie d’arriver à destination. Sauf que moi, j’allume l’intercom dès le début et si j’oublie à chaque fois qq chose, je suis tjs « suréquipée » pour affronter n’importe quelles conditions climatiques ^^
Allez hop au boulot, avec tes semaines de 4 jours et tes 5 mois de vacances crois pas qu’on va te plaindre 😀
Très beau texte de roadtrip ! Ton écriture me fait penser à Pirsig dans les passages où il décrit son voyage dans « Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes » (chouette bouquin de philo et de moto au passage).
C’est même pô du plagiat vu que je l’ai pô encore lu mais je le mets dans ma liste de livres à acheter et à lire d’urgence ! Puis ça fera un article en plus. Bref, merci du tuyau. 😉
Je confirme pour le traité du zen, et pour la longue journée de moto je dois avouer que la selle de mon vieux K a laissé quelques traces tangibles aux niveau des cuisses après la dizaine d’heure à cheval, mais quand on aime……………….. Maintenant, j’attends avec délectation ton récit de ta rentrée scolaire!
Super texte pour un belle aventure. Je me suis bien amusé en te lisant. J’espère que monsieur Michelin te lira et t’apportera un nouveau GPS papier.
Bonne reprise
Et joli dessin de Botan 🙂
J’ai adoré ce texte. Ça m’a rappelé mon road trip solo quand j’en arrivais à parler à la dame de Google map… ? et la tenue d’hiver début septembre au pied des Pyrénées ben… je confirme… ça craint…
j’ai jamais fait 14 h de bécane sur une journée mais j’ai un souvenir où Google map m’a emmené faire un détour sur un chemin de vache avec passages canadiens, bestiaux en liberté, descente à 30 % (j’exagère à peine ), route pleine de bouses (bonjour la patinoire, descente en 1ere les 2 pieds frôlant le sol en priant pour ne pas glisser, punaise si j’avais su, j’aurais mis un cierges en passant à Lourdes ?)…. tellement eu la pétoche que je me suis même pas arrêtée pour faire une photo et me suis rendue compte après que la caméra était arrêtée… pas grave, c’est dans ma tête à vie. Pour fêter mon retour à la civilisation me suis offert une tartifflette et un bon verre de vin… j’en avais besoin ?.